Anne BRUNSWIC

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Barrière de sécurité

La sécurité des uns n’est pas celle des autres.

Gare à la sécurité. C’est une pièce à deux faces, voire trois.

Côté pile. Quel beau programme ! Sécurité sociale universelle. Car de l’insécurité, je, tu, il, elle souffre et souvent meurt. La femme, l’enfant, l’infirme, l’ouvrier, l’immigrant, le civil exposé à la terreur qui tue, affame, empoisonne, ensevelit, tous réclament la sécurité. Tous ont soif de sécurité. Personne ne peut se coucher avec la certitude qu’il sera vivant demain, écrit un chroniqueur de Gaza.

Côté face. La citadelle assiégée ou son modèle réduit, la villa dans la jungle a pour premier, second et troisième souci leur propre sécurité. La villa exige de hauts grillages, jamais assez hauts. Mieux, elle doit dissuader les assaillants qui se dissimulent parmi les fourrés et les hautes branches. La sécurité des uns exige la mise en cage des autres, voire leur extermination. En hébreu, « sécurité » se dit « bitakhon ». « Barrière de sécurité » se dit en arabe « mur de l’apartheid ». A mes oreilles, les trois syllabes bi-ta-khon crachées par un bonhomme vert dans un mégaphone sonnent comme l’ouverture de la chasse.

La sécurité pour tous, grands et petits, porte un nom, la paix dans le droit, dans la justice. Cette paix-là, le fort l’écarte avec dédain. Il n’aura jamais assez de garanties, d’assurances, dit-il. Le vrai : il n’entend pas donner de garanties au faible. Pas question de poser des bornes à sa puissance. « J’ai bien le droit », dit-il, au mépris du droit.

La sécurité des uns n’est pas celle des autres. Étendard de la réaction. Tenants de l’ordre établi contre subversifs. Sécurité des investissements, sécurité du propriétaire, sécurité des institutions. Caméras de sécurité, agents de sécurité, prisons de haute sécurité, forces de l’ordre, murailles et barbelés, patrouilles en mer. A ce jeu, le dictateur a toujours une longueur d’avance. Il fait mieux qu’assurer la sécurité, il l’impose. A son bénéfice exclusif.

Il y aurait une fois. Sécurité de la rue qu’on emprunte à la nuit tombée, de la route qu’on traverse, de ce qu’on mange, boit, respire. Sécurité de la terre nourricière. Sécurité pour ceux qui ont soif, qui ont faim, qui vivent dans des logements insalubres ou pas de logement du tout, qui traversent les mers et les continents.

Et puis la sécurité des paroles que l’on confie, des bras où l’on se blottit.