Traces des camps et des répressions en Carélie
Au cours de mes voyages en Carélie en 2006 et 2007, j’ai eu l’occasion de visiter des lieux de mémoire des crimes politiques qui ont été mis au jour au cours des deux dernières décennies.
On doit la découverte du site de Sandarmokh (à proximité de Medvejegorsk) à l’action conjuguée de l’association Memorial et d’un militant local, Youri Dmitiriev. C’est avec Sergueï Kotyrine, le directeur du musée de Mdevejegorsk que j’ai visité cette clairière pour la première fois, en août 2006. Plusieurs milliers de personnes ont été exécutées d’une balle dans la nuque en secret pendant la grande Terreur de 1937-1938 initiée par Staline. Ce site où seraient enfouies 7000 personnes de très nombreuses nationalités a été découvert en 1996. Une chapelle y a été érigée. De nombreuses stèles rappellent les victimes ukrainiennes, juives, musulmanes, polonaises... Le site se compose de plusieurs dizaines de fosses communes contenant chacune une cinquantaine de corps. Une cérémonie religieuse s’y déroule chaque année le 5 août, journée de la mémoire des victimes des répressions politiques.
Sergueï Koltyrine, sous une accusation fallacieuse, a été condamné à 8 ans ans de détention. Faute de soins appropriés, il est mort dans un hôpital pénitentiaire en 2019. Iouri Dmitriev, qui est devenu en 2014 le président de la section carélienne de Memorial a fait l’objet d’un acharnement judiciaire de la part du tribunal de Petrozavodsk. Condamné sur des charges fabriquées de toutes pièces, il purge actuellement une peine de quinze de camp à régime sévère en Mordovie. Une campagne internationale à l’initiative de l’association Memorial (dissoute en 2022) exige sa libération. (Mise à jour 2024).
Sur le port de Kem se trouve un embarcadère en ruines d’où partaient les barges qui emmenaient les bagnards du Goulag aux Iles Solovkis. La mer Blanche étant gelée pendant de longs mois, ils attendaient dans des barraquements où les conditions de vie étaient épouvantables. Ces installations de Rabotchi Ostrov (L’Ile des Travailleurs) ont servi de 1923 à 1937. Presque tout a disparu. L’Eglise orthodoxe qui autrefois possédait ces terrains en a repris possession. Des croix ont été érigées depuis une dizaine d’années en souvenir des martyrs des Solovkis, le premier grand camp de répression politique où ont été expérimentées toutes les méthodes qui seront généralisées dans les camps du Goulag à partir de 1930. A.B.