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Voyage avec l’absente
Revue du web
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Micheline Weinstock / Sefarad.org

Au centre de ce récit, une quête complexe et douloureuse car elle renvoie au fondement de sa propre trajectoire de ses choix de vie et ses engagements.

Le récit se construit sur un échange épistolaire imaginaire avec sa mère morte d’une septicémie à 35 ans, l’auteur n’avait alors que 8 ans. Au travers des lettres retrouvées chez sa grand-mère Léa (de 1942 à 1959), du cahier bleu tenu par sa grande-tante et, plus tard, des mémoires inachevés de son père, Anne Brunswic tente de se frayer un chemin : entre l’histoire familiale dans la tourmente de la Deuxième Guerre Mondiale, l’après-guerre et la reconstruction effrénée, sans oublier la subtilité des dynamiques relationnelles au sein de sa famille.

Un arbre généalogique rédigé par sa grand-mère concrétisera pour elle noms de lieux et patronymes. Elle se rendra sur les lieux de cette mémoire familiale et tentera de reconstituer les "blancs", de retrouver les vibrations qui ont forgé son inconscient et qu’elle souhaite assumer pleinement, consciemment. Des résonances qui font écho chez d’autres, comme son amie Chantal Ackerman, et permettent de s’ouvrir au passé.

Un récit courageux, ambitieux. Une belle réussite.

Micheline Weinstock

Topocl / Babelio.com

Anne Brunswic voyage « avec » sa mère Françoise, l’éternelle absente, absente de l’enfance de ses cinq enfants car distante et occupée d’autres affaires et d’un frénétique besoin d’action , absente parce que morte quand Anne avait huit ans, et désormais enfouie sous un invincible silence familial. Anne ne sait pas trop si elle l’aime ou s’étonne simplement, ce qu’elle sait, c’est qu’elle est un manque inscrit en creux en elle-même, qui ne l’a jamais quittée et a contribué à la former. Et que, sans juger, elle veut savoir, tout savoir.
S’adressant à elle par-delà la mort par lettres à la fois distantes et touchées, Anne Brunswic voyage dans les différents lieux de sa mère, interroge, s’imprègne, imagine, complétant les données des écrits familiaux (texte de sa grand-mère, lettres de sa mère, Mémoires de son père), des photos, et de vagues impressions d’enfance conservées.
Au-delà de cette histoire intime dont on aura la clé dans le déchirant dernier chapitre, c’est l’histoire du siècle, puisque les grands-parents de Françoise ont émigré de Lituanie fuyant les pogroms, qu’elle et sa mère on fuit le nazisme depuis Bruxelles, à travers la France, le Portugal et l’Angleterre, que sa mère a fini par émigrer en Palestine. Destins tragiquement banaux, mais toujours poignants dans leur singularité.
C’est une fois de plus une histoire de femmes, dans cette famille grandement matriarcale, ou en tout cas vécue comme telle, à travers des témoignages souvent féminins. Anna Brunswic fait preuve d’une implication têtue, à la fois profonde et dépourvue d’affectivité, qui donne un point de vue intime et personnel.

Stéphane Bret / Babelio.com

C’est un récit particulier que nous livre Anne Brunswic, celui d’une tentative d’explication, d’éclairage de la vie de sa mère Françoise Tuchband, disparue en 1959 lorsque la narratrice avait huit ans.

Le récit est articulé autour de lettres, imaginaires , écrites à cette mère absente , et s’appuie également sur des archives familiales , celles de son père Henri Brunswic .Pourtant , le cadre purement familial est loin d’être l’unique thème de ce récit .Pendant la Seconde guerre mondiale, L’histoire de la famille d’Anne Brunswic passe en effet par Bruxelles, un séjour à Paris, puis en Bretagne .Le franchissement de la ligne de démarcation précède l’embarquement vers le Portugal , puis Londres comme destination finale .

Anne Brunswic évoque aussi les origines de sa famille maternelle en Lituanie, ce qui est prétexte à un examen de l’histoire de cette partie de l’Europe, si souvent sujette à des changements de frontière, de nom, d’appartenance politique.
Elle rappelle également sa situation d’enfant, le « numéro 3 », dans une famille aux résidences multiples. La lecture du chapitre relatant le transit de sa famille à Caldas da Rainha nous apporte quelques éclairages sur le rôle du Portugal pendant la guerre : «  Sur un point, tous les réfugiés qui fuyaient l’Europe occupée par les Nazis , le Portugal était un paradis !(…) Et un havre de sûreté car, malgré des demandes pressantes, les autorités portugaises-sur ce point et sur beaucoup d’autres infiniment plus clémentes que le régime de Vichy- n’ont jamais livré personne aux nazis . »

Anne Brunswic pointe également la volonté d’ascension sociale de sa mère, le désir de la reconnaissance de la réussite par ses acquisitions immobilières prestigieuses : « En dix ans, tu seras passée de la porte de Champerret à la Place Malesherbes , la distance de trois stations de métro et d’à peine un kilomètre mais une véritable frontière sociale .(…) Ou bien cherchais-tu à combler , à devancer même, les appétits-de standing, de respectabilité, d’honneurs, d’argent - de ton insatiable mari ?  »

On y découvre aussi l’une des sources de la souffrance de l’auteure : l’absence , la distance affective : « Tu étais déjà une mère absente. Absente à l’heure des câlins. Absente pendant les vacances d’été que tu passais en général seule avec papa, confiant tes rejetons aux parents , aux amis , ou, à défaut à des homes d’enfants .  »

Le prologue et l’épilogue de ce récit, un dialogue posthume avec son père, sont marqués par l’omniprésence de la douleur, de l’amertume. Pourtant, Anne Brunswic parvient à éviter l’écueil, toujours possible dans ce genre de récit, du jugement définitif, en reliant son histoire personnelle à celle du monde, à l’histoire contemporaine, au rapport à la judéité, à la sincérité personnelle.

Stéphane Bret

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