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Russie, fragment 3
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Caucase

Ania se tient debout au centre de la photographie, entre son mari et son beau-père. Au premier plan, un chien de berger est assis dans l’herbe. Ania est une vigoureuse paysanne du Caucase, avec des formes pleines, opulentes même. L’or brille à ses oreilles et dans son sourire. Sous son tablier à fleurs rouges, elle porte une robe épaisse, et par dessous encore, on devine un pantalon ou un caleçon. Le châle d’un rose violent qui entoure ses épaules, c’est sûrement elle qui l’a tissé avec la laine de ses moutons. La lumière est oblique : il est encore tôt et il fait froid.

Ce matin-là, Ania avait attendu que tu te réveilles. On lui avait dit que parmi les randonneurs anglais et russes qui campaient dans ses pâturages se trouvait une Française. Une Française qui s’appelait Anne, comme elle. Elle parut d’abord déçue de ta toilette – shorts et godillots – mais voulut tout savoir de toi. “ Paris ! Ah ! Très beau ! ” soupira-t-elle dans un russe rudimentaire. À force de questions, elle découvrit que vous étiez toutes deux nées au mois de mai. Certes pas la même année, mais vous étiez tout de même un peu soeurs, disait-elle. Le soleil était déjà haut. Les chevaux et les moutons avaient reçu leur dû. Ania s’apprêtait à redescendre au village où l’attendaient ses quatre enfants. Tu étais invitée à y boire le thé quand tu voudrais.

Ania n’a pas vu Paris. Toi, tu n’as pas goûté ses gâteaux. Il reste la photographie.

Anne Brunswic



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